Alfred Hitchcock a tourné 54 films pour le cinéma et tous ont un
point commun, un style reconnaissable entre mille dès les premières minutes
du film.
Hitchcock a utilisé (et certains critiques lui reprocheront) les mêmes
recettes tout au long de ses 54 films :
Le MacGuffin
Le MacGuffin est un concept fondamental dans le cinéma d'Hitchcock.
L'origine du mot viendrait de l'histoire suivante, racontée par Hitchcock :
Deux voyageurs se trouvent dans un train en Angleterre. L'un dit à l'autre :
"Excusez-moi Monsieur, mais qu'est-ce que ce paquet à l'aspect bizarre qui se
trouve au-dessus de votre tête ? - Oh, c'est un MacGuffin.
A quoi cela sert-il ? - Cela sert à piéger les lions dans les montagnes
d'Ecosse - Mais il n'y a pas de lion dans les montagnes d'Ecosse - Alors il
n'y a pas de MacGuffin" .
Hitchcock citait souvent cette histoire pour se moquer de ceux qui exigent une
explication rationnelle à tous les éléments d'un film. Ce qui l'intéresse c'est de manipuler le spectateur, de le promener au fil
de l'histoire et qu'il ait aussi peur que le héros ou l'héroïne de son film
(Hitchcock aimait dire qu'il faisait ses films avant tout pour les autres
et qu'il avait beaucoup de mal à comprendre ceux qui réalisaient par
pur nombrilisme).
Dans les films d'Hitchcock, le MacGuffin est souvent un élément de
l'histoire qui sert à l'initialiser voire à la justifier mais qui s'avère en
fait sans grande importance au cours du déroulement du film. Dans Psychose, le MacGuffin est l'argent dérobé par
Marion à son patron au début du film, il va sans dire que la suite est
tellement prenante que l'argent est bien vite oublié, mais c'est lui qui a
initialisé l'histoire.
Mais Hitchcock fait encore plus fort dans
La mort aux trousses. Comme il le dit lui-même :
"Dans ce film, j'ai réduit le MacGuffin au minimum. Quand
Cary Grant demande à l'agent de la CIA à propos
du méchant James Mason : "Que fait cet
homme ? Oh, disons qu'il est dans l'import-export de secrets d'état". Et c'est
tout ce que nous devons dire. Mais toute histoire d'espionnage doit avoir son
MacGuffin, que ce soit un microfilm ou un objet quelconque caché dans le talon
d'un escarpin."
A partir du film Rebecca, Hitchcock
apparaîtra le
plus souvent dans ses films au point que le spectateur est très déçu lorsqu'il
n'arrive pas à le voir. Cette attitude est extrêmement rare chez un réalisateur
car bon nombre d'entre eux ne se montrent jamais à l'écran. Ceci est
encore une des ambiguïtés de la personnalité d'Hitchock qui fut toute sa vie
complexé par son physique mais ne manqua pas une occasion de se montrer !
Certaines apparitions sont devenues presque plus célèbres que les films comme
celle de L'inconnu du nord-express dans
laquelle il monte dans un train avec une contrebasse.
La poursuite
La poursuite est un élément marquant des films d'Hitchcock. En octobre 1950 il
déclarait :
"Dans la structure idéale pour une poursuite, le rythme et la complexité de la
poursuite reflèteront avec précision l'intensité de la relation entre les
personnages."
La poursuite représente un atout fondamental pour l'élaboration d'un scénario
d'un film à suspense : poursuivi, le personnage principal est dérouté
et se lance dans une folle fuite en avant qui alimente le scénario.
L'exemple même du film poursuite est
La mort aux trousses dans lequel le personnage principal ne sait même
pas pourquoi il est poursuivi...
Les escaliers
L'escalier est un élément majeur des films d'Hitchcock. Il apparaît dès les
premiers films (dans The lodger par exemple), mais
surtout dans Psychose lors du meurtre du
détective Arbogast.
L'escalier est également utilisé dans Le crime était
presque parfait. Même s'il n'y a pas la même dimension dramatique, c'est
là que le méchant cache la clef de l'appartement...
L'influence d'Hitchcock est toujours présente dans beaucoup de films à
suspense d'aujourd'hui (il y a des escaliers dans A double tranchant,
Les nuits avec mon ennemi pour ne citer qu'eux).
Hitchcock et les femmes
Les films d'Hitchcock sont réputés pour leur pudibonderie apparente mais
dégagent en même temps un érotisme certain. Le début de
Psychose avec
Marion en soutien-gorge étendue sur
un lit dans la chaleur de Phoenix (Arizona) en est un vibrant exemple.
La période américaine du cinéaste (à partir de 1940) introduit le concept
de la blonde hitchcockienne qu'Hitchcock s'amuse à manipuler, à
métamorphoser tantôt en femme du monde, en voleuse, en psychopathe ou bien
en espionne !
Hitchcock n'est pas homme à s'éprendre de ses créatures. Au moment de la
sortie de Vertigo il clamait à qui voulait bien
l'entendre :
"Kim Novak n'est qu'une inconsistante cire qui
m'a coûté les plus grandes peines à modeler. J'ai tout fait."
Les détracteurs
Comme tous les créateurs, Hitchcock a ses détracteurs, ceux qui pensent en
particulier qu'il a toujours fait le même film en répétant inlassablement les
mêmes recettes. En voici quelques exemples. En 1948, Jacques
Doniol Vaccroze écrivait dans le numéro 15 de La revue du cinéma :
"Le cas d'Alfred Hitchcock laisse rêveur : tant d'art, tant de savoir, tant de
métier au service d'une pensée - celle des autres - le plus souvent médiocre"
puis plus loin :
"On a beaucoup parlé d'un "style Hitchcock". Il me semble malaisé à définir.
Tout au plus peut-on déceler dans cette suite de films une prédilection marquée
pour un certain nombre d'objets - verres, tasses, meubles particuliers -
chargés d'un poids de destin et qui parsèment l'oeuvre d'une symbolique
personnelle, presque étrange, dont l'auteur ne nous donne pas la clef."
Ci-dessous une critique surréaliste de Vertigo
extrait de la
filmographie commentée du groupe
POSITIF
définissant eux-même ce document comme le bréviaire du parfait petit
anti-hitchcockien en connaissance de cause :
"VERTIGO (sueurs froides) 1956:
Un homme est en proie au fantôme d'une femme qu'il croit morte. Ce thème
(diabolique dirait Clouzot) est exposé de telle façon que le spectateur
comprenne bien que le fantôme n'est pas un vrai fantôme et que la morte
ne l'est pas. La délicieuse Kim elle-même sort à grand peine de cette sombre
histoire. Vieil habitué, Dieu apparaît cette fois sous les traits d'une nonne
pour châtier le Mal. Il y a quelques agréables vues de San Francisco et
d'interminables voyages en voiture, platement filmés en transparence."
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